Pauline Souchaud

Photo de Pauline Souchaud

Photo : Sébastien Criner

Comment est née ta vocation d'artiste ?

Réponse un peu bateau, mais j’ai dessiné très tôt, je me baladais avec des feuilles A4 posées sur une bande dessinée et je tentais de reproduire ce que je voyais.
Des revues scientifiques, des livres d’anatomie et des atlas d’histologie remplissaient alors la bibliothèque familiale, et j’ai très vite été happée par la magie de l’imagerie scientifique et du corps en transparence : une fascination qui depuis ne m’a plus jamais quittée.

La capacité d’observation et l’envie de comprendre ce qui nous compose, ce qui nous entoure, de le décortiquer, d’aller chercher au-delà du visible les connexions évidentes du vivant constituent la base de mon travail.

Œuvre de Pauline Souchaud

Photo : Pauline Souchaud, Variation d’une goutte d’eau

Quelles sont tes inspirations ?

Lors de mon cursus aux Beaux-Arts, la peinture s’affirme comme mon médium de prédilection, me sentant alors un peu isolée dans une école qui -certainement comme beaucoup d’autres à l’époque- n’encourage pas vraiment cette pratique, ou alors dans une approche très conceptuelle. J’ai alors la chance d’effectuer un an dans le « Centro Nacional de las Artes de Mexico », véritable révélation pour moi, où je sens se conforter en moi cette appétence prononcée pour la peinture, les couleurs vives, l’abstraction et la photographie.

Je resterai finalement deux ans dans les entrailles de cette ville folle, où tout n’est que mouvement, lumière, énergie et chaos.

La rencontre avec la peinture mexicaine, et les fresques monumentales de Rivera, Orozco, Siqueiros, m’ont fortement impressionnée tant par leur monumentalité que par leur vision révolutionnaire et politique. Un voyage déterminant, qui a profondément influencé mon travail.

 Ma peinture est l’expression sensuelle de mon rapport au monde : une alliance de paysage extérieur évocateur de souvenirs et de paysage intérieur qui réveille l’intime, l’histoire de la chair. La recherche constante d’un mouvement essentiel et vital, la potentialité du geste, une recherche d’équilibre entre lâcher prise et retenue fondent l’inspiration et les influences de ma peinture.

Je citerai, l’expressionisme abstrait américain avec Helen Frankenthaler et ses paysages atmosphériques. Zao-Wou-Ki pour le triomphe de la lumière et de la couleur. Henri Michaux et Fred Deux, artistes polymorphes, ou la peinture comme nécessité absolue à l’insuffisance des mots. Francis Bacon, pour la trace, le mouvement, le débord et l’énergie vibratoire. 

Gerhard Richter, expérimentateur de paysages sous la forme de constructions fictionnelles, Per Kirkeby peintre géologue, et les paysages matériographiques de Jean-Pierre Sudre. Willem de Kooning et Cécily Brown, pour leurs paysages chaotiques fourmillement de chair et de corps, ou encore Pierre Soulages, et la réflexion de la lumière sur le changement d’état, pour une peinture qui tend vers la 3D.

Œuvre de Pauline Souchaud

Photo : Pauline Souchaud, La Promesse de l’Atlas

En créant des espaces qui regorgent, qui débordent, des espaces de gestation, transformation, multiplication, je dirai que ma peinture cherche à s’évader du visible pour se lancer à la découverte d’univers inconnus, pouvant se situer aux deux frontières extrêmes de notre monde : l’invisible microscopique et l’insaisissable Cosmos.

Très sensible aux rencontres et chocs des pratiques, j’ai toujours eu à cœur de faire résonner mon travail plastique avec d’autres modes d’expressions. Mes plus beaux souvenirs d’exposition se situent au croisement de ces pratiques, quand j’invite un groupe, un.e musicien.ne ou un.e comédien.ne, à s’emparer de mon univers artistique et à s’en faire son propre écho.

En résulte des moments d’extase et de distorsion qui permettent d’entrer en communication avec l’infini corporel.

Oeuvre de Pauline Souchaud

Photo : Pauline Souchaud, Les furtifs (III)

Quels sont tes projets à venir ?

Pour le projet résonance de la Biennale d’Art Contemporain, en septembre prochain, nous préparons une exposition collective au sein de la Galerie NörKa située dans le 1er arrondissement de Lyon. Nous serons trois artistes plasticien.nes et une photographe à nous emparer de la thématique « Manifesto of Fragility » pour une expérience intéractive et sensorielle.

J’entame aussi une collaboration avec une céramiste, souhaitant allier mon travail sur verre à celui du grès et des émaux.

Et par les plus beaux hasards de la vie, j’ai retrouvé sur Lyon un ami artiste mexicain avec qui nous travaillons sur une animation à partir de photographies macroscopiques que je réalise durant mes processus de peinture sur verre et sur toile. Envisagée comme une fiction documentaire, il nous tient à coeur d’utiliser le prétexte de la peinture, des pigments, pour rendre compte des migrations et des mouvements planétaires, contraints ou choisis.

Photo : Jeanne Varaldi © ADAGP

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